
Arrêtons de croire qu’il faut uniquement des talents pour réussir
Temps de lecture 3 minutesAujourd’hui, il suffit d’ouvrir un article RH ou d’assister à une conférence sur le leadership pour constater à quel point le mot « talents » s’est imposé comme un incontournable. On parle de guerre des talents, de stratégie d’attraction des talents, de gestion des talents, de fidélisation des talents… Ce mot, omniprésent, cristallise toutes les ambitions RH modernes. Et pourtant, cette obsession pour le talent masque une réalité essentielle : une entreprise ne fonctionne pas uniquement grâce à une élite de collaborateurs brillants. Elle repose également sur une diversité de profils et de contributions, où les forces les plus discrètes jouent un rôle déterminant dans la performance collective.
Le mythe de l’entreprise 100 % « talents »
Cette vision d’une organisation composée uniquement de top performers est séduisante sur le papier. Elle suggère l’excellence, la vitesse, l’agilité, l’innovation permanente. Mais dans la réalité du terrain, ce modèle est non seulement irréaliste mais aussi contre-productif. Aucune entreprise ne peut fonctionner durablement avec une population exclusivement constituée de collaborateurs ambitieux, exigeants, en recherche constante de défis. L’équilibre est fragile, la compétition omniprésente, la stabilité souvent absente.
Dans mon activité de chasse de têtes, je rencontre régulièrement des dirigeants qui souhaitent composer leur Comex ou leur top management avec des profils A-players : des personnalités à fort impact, capables de porter une vision, de piloter le changement et de faire évoluer l’organisation à grande échelle. Ce sont des moteurs, des catalyseurs, indispensables dans les phases de transformation. Mais au sein de l’organisation, ils recherchent aussi des collaborateurs expérimentés, rigoureux, ancrés dans la continuité, qui assurent la fluidité des opérations et la stabilité des processus. Ces profils n’ont pas toujours vocation à évoluer ou à se rendre visibles, mais leur contribution est tout aussi stratégique. Une organisation saine repose justement sur cet équilibre : la performance ne vient pas d’une élite homogène, mais de la complémentarité assumée entre ceux qui impulsent et ceux qui incarnent la fiabilité au quotidien.
Valoriser les forces discrètes
On parle peu d’eux et pourtant ils sont essentiels. Ces collaborateurs qu’on pourrait appeler les forces discrètes ne cherchent ni la lumière, ni la promotion. Ils ne se positionnent pas comme des leaders naturels, mais leur rôle est déterminant. Ils connaissent l’entreprise, maîtrisent les rouages, absorbent les imprévus et garantissent une continuité opérationnelle précieuse. Ce sont souvent eux qu’on sollicite instinctivement lorsqu’il faut résoudre un problème urgent, former un nouveau collègue ou assurer une transition en douceur.
Ils n’ont peut-être pas l’ambition d’accéder à des fonctions de direction, mais ils ont la compétence, la rigueur, l’engagement. Et c’est précisément cette stabilité silencieuse qui permet aux organisations de durer, de transmettre leur culture, de rester solides même dans les périodes d’instabilité. Ne pas reconnaître leur valeur, c’est risquer de déstabiliser tout un écosystème invisible mais fondamental.
L’importance de cette complémentarité est encore plus visible lorsqu’on sort du cadre de l’entreprise. Prenons un exemple récent : la victoire du PSG contre l’Inter Milan en Ligue des Champions. Ce n’était pas l’équipe des grandes stars alignées mais cette équipe a brillé sur le terrain par sa cohésion, son intelligence tactique et son engagement (source : des amis fans de foot !).
Ce modèle s’applique pleinement à l’entreprise. Une organisation ne tient pas par l’accumulation de stars individuelles, mais par la force d’un collectif équilibré. Mêler leadership, expertise, régularité et exécution est la clé d’une performance durable.
Repenser la culture de reconnaissance
Valoriser la diversité des profils, c’est reconnaître que chaque collaborateur apporte une forme de valeur différente mais essentielle. Cela implique de revoir nos référentiels RH, d’intégrer les contributions discrètes dans les dispositifs de reconnaissance et de dépasser une vision trop restreinte du mot « talent ».
Redonner du sens à la performance collective
L’entreprise de demain ne sera pas une vitrine de talents, mais une œuvre collective, où chacun trouve sa place et sa reconnaissance. Oui, les talents sont essentiels pour innover et accélérer. Mais sans les forces discrètes, aucune idée ne prend forme, aucun projet ne tient dans le temps.
Le véritable enjeu RH aujourd’hui n’est pas de recruter uniquement des A-players. C’est de créer les conditions d’une performance équilibrée, durable et inclusive. Une performance qui valorise autant ceux qui impulsent que ceux qui construisent.
C’est dans cette symphonie de profils, et non dans l’exaltation d’une élite, que réside le véritable potentiel de transformation des entreprises.