«Un leader exigeant fait progresser, un leader toxique épuise» - Lamboley Executive Search
Lamboley Executive Search est un cabinet de chasseur de têtes spécialisé dans le recrutement par approche directe à Luxembourg. Contactez-moi pour vos besoins en headhunting !
headhunting, headhunter, chasseur de têtes, recrutement, chasseur de tête
1487
wp-singular,post-template-default,single,single-post,postid-1487,single-format-standard,wp-theme-stockholm,ajax_fade,page_not_loaded,,select-theme-ver-4.2,menu-animation-underline,wpb-js-composer js-comp-ver-5.4.4,vc_responsive

«Un leader exigeant fait progresser, un leader toxique épuise»

Temps de lecture 5 minutes

Ancienne DRH devenue chasseuse de têtes, Caroline Lamboley alerte sur les dérives managériales insidieuses qui sapent la confiance au travail. Elle décrypte les signaux faibles du management toxique, rappelle la frontière entre exigence et violence, et plaide en faveur d’un leadership respectueux et cohérent.

Après une première vie professionnelle dans les RH à des postes de direction (Deloitte puis BDO), Caroline Lamboley a fondé en 2018 le cabinet Lamboley Executive Search. Le management toxique est l’un de ses dossiers de prédilection.

Quels sont les signaux faibles d’un management toxique?

Caroline Lamboley. – «Ils sont souvent discrets, presque imperceptibles au début: une baisse d’énergie collective, des collaborateurs qui s’autocensurent, des talents qui partent sans bruit. Les signaux faibles se nichent dans les non-dits: un manager qu’on n’ose plus contredire, des réunions où l’on parle beaucoup mais où plus rien ne se décide, une forme de peur diffuse. Le management toxique n’explose pas toujours avec fracas. Il s’installe à bas bruit, à travers la peur de déplaire, la perte de confiance, ou l’impression que la parole ne sert plus à rien.

Où se situe la frontière entre management exigeant et management toxique?

«L’exigence pousse à se dépasser, la toxicité pousse à se taire. Un management exigeant fixe des standards élevés, mais donne les moyens de les atteindre. Il s’appuie sur la clarté, la justice et la reconnaissance. Un management toxique, lui, exige beaucoup sans accompagnement, ni écoute, ni équité. La vraie frontière, c’est l’intention: cherche-t-on à faire grandir ou à contrôler? Un leader exigeant fait progresser, un leader toxique épuise.

Quelles sont les pratiques managériales simples à mettre en place afin de prévenir les dérives toxiques au sein d’une équipe?

«La prévention du management toxique ne passe pas par des chartes ou des slogans, mais par des pratiques concrètes du quotidien. Tout commence par la manière dont un manager écoute, parle et régule les tensions dans son équipe.

Instaurer un vrai dialogue est fondamental. Quand j’étais DRH, certains managers prenaient dix minutes à la fin d’un projet pour demander à leur équipe ce qui avait bien fonctionné, mais aussi ce qu’ils pourraient améliorer eux-mêmes dans leur façon de piloter. Ce simple geste crée une culture du feed-back à double sens et évite que les frustrations s’enracinent.

Une autre pratique efficace consiste à évaluer la performance non seulement sur les résultats, mais aussi sur les comportements; cela envoie un signal fort: la performance sans respect n’est pas une performance durable.

La formation peut jouer également un rôle clé. Beaucoup de comportements toxiques ne relèvent pas de la malveillance, mais d’un manque de conscience émotionnelle: stress, maladresse, impatience. Former les managers au feed-back constructif, à la communication non violente ou à la gestion de leurs propres émotions change profondément la dynamique d’une équipe.

La prévention passe aussi par la cohérence. Une entreprise qui laisse un collaborateur performant agir sans respect des autres envoie le pire des messages: que tout est permis au nom des résultats. Le management toxique se nourrit du silence et de la complaisance. La première mesure de prévention, c’est donc le courage de rappeler les valeurs… par les actes.

Lorsqu’un salarié est victime ou témoin d’une dérive, quelle est la meilleure manière d’agir? Et quelles sont les erreurs à éviter?

«La première étape, c’est de documenter les faits: noter les situations, les dates, les témoins éventuels. Puis d’en parler, le plus tôt possible, à un RH, un manager de confiance, un représentant du personnel. L’erreur la plus fréquente, c’est d’attendre ‘que ça passe’. Cela ne passe jamais, cela s’enracine. Mais il faut aussi éviter l’explosion émotionnelle: rester factuel, professionnel, c’est ce qui donne du poids à la parole.

Mais comment alerter ou documenter les faits sans compromettre sa carrière?

«C’est souvent la plus grande peur: parler, c’est prendre un risque. Pourtant, se taire en est un aussi. Le meilleur moyen d’agir sans se mettre en danger, c’est de rester factuel: décrire ce qui s’est passé, quand, et avec qui, sans juger ni accuser. Ce ton professionnel protège la crédibilité du discours. Il est aussi essentiel de ne pas rester seul: chercher un appui (RH, pair de confiance, etc.) aide à poser les mots justes et à choisir le bon canal. Enfin, parler du fonctionnement plutôt que de la personne permet d’éviter la confrontation directe et d’amener une réflexion collective. En réalité, alerter n’est pas un acte de défiance, c’est un acte de loyauté envers l’organisation. Le vrai risque, c’est le silence.

Côté dirigeants, quels outils de diagnostic recommandez-vous pour déceler la toxicité managériale?

«Les enquêtes de climat social sont utiles, mais insuffisantes: elles mesurent la météo, pas la température profonde. Je recommande des 360° comportementaux, menés par un tiers de confiance et centrés non sur les compétences, mais sur la manière de manager.

Et puis il y a un indicateur empirique mais infaillible: un manager qui ‘livre’ de bons résultats, mais dont les équipes se vident, pose un vrai sujet. Une performance durable ne se construit jamais sur la peur ou l’usure.

Quand un manager est identifié comme toxique, quel protocole de remédiation fonctionne vraiment? Coaching, recadrage, mobilité, séparation?

«Tout dépend du niveau de conscience du manager face à ses comportements. S’il y a une réelle méconnaissance de soi, une maladresse ou une immaturité managériale, un accompagnement est souvent utile, à condition qu’il y ait une volonté sincère de se remettre en question.

Mais quand la toxicité est structurelle, assumée ou qu’elle a déjà laissé des traces profondes dans l’équipe, il faut agir vite et clairement: la séparation devient la seule option responsable. On ne ‘rééduque’ pas un comportement ancré dans l’ego ou le mépris, et déplacer le problème revient simplement à le faire ressurgir ailleurs.

Mettre fin à la relation n’est pas un échec: c’est un acte de courage managérial et un signal fort envoyé à toute l’organisation. Aucune performance individuelle ne justifie durablement la souffrance collective.

Le télétravail et les modèles hybrides changent-ils la nature de la toxicité managériale?

«La distance rend les comportements toxiques plus subtils, mais pas moins destructeurs: isolement, micro-contrôle digital, absence de reconnaissance… Le télétravail révèle aussi une nouvelle forme de toxicité: l’indifférence managériale. Ne pas écouter, ne pas répondre, ne pas exister.

En tant que chasseuse de têtes, comment évaluez-vous le risque managérial d’un candidat? Quels indices dans son parcours, ses références ou sa posture vous mettent la puce à l’oreille?

«Je regarde toujours au-delà du CV. Un manager peut afficher d’excellents résultats à court terme tout en laissant derrière lui une équipe épuisée ou divisée. Le risque managérial se mesure donc dans la durabilité de la performance: les talents sont-ils restés? Les projets ont-ils tenu? Les équipes ont-elles grandi? Un bon leader laisse une empreinte constructive, pas un champ de ruines.

Dans mes entretiens, j’écoute la manière dont un candidat parle de ses équipes: les pronoms utilisés, la place du collectif, la reconnaissance des contributions… La vraie performance, c’est celle qui résiste au temps parce qu’elle s’appuie sur la confiance.

Quelles sont les décisions prioritaires à prendre pour reconstruire une culture saine après un épisode toxique?

«D’abord: reconnaître les faits. Sans cela, impossible de restaurer la confiance. Ensuite, remettre du sens et du lien: donner la parole, clarifier les valeurs, poser des limites claires. Et surtout, ne pas aller trop vite: la culture ne se répare pas en mode projet, elle se reconstruit par la cohérence quotidienne.

Que diriez-vous aux managers de bonne foi qui craignent d’être perçus comme toxiques dès qu’ils mettent la barre haut?

«L’exigence n’est pas toxique, elle devient toxique quand elle humilie. Être clair, ferme, cohérent n’a jamais fait de mal à personne. Ce qui fait la différence, c’est le respect dans la relation. Les meilleurs leaders savent être exigeants sans être violents, ambitieux sans être écrasants.

L’équilibre, c’est ça: la hauteur de vue sans la hauteur de ton.»

Article publié dans Paperjam le 11.11.2025

Ecrit par Pierre Théobald



Comment puis-je vous aider ?